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Meet Anya: "Je crois qu’aujourd’hui je suis cette guerrière que j’ai imaginée."

Hi guys, aujourd’hui nouveau témoignage avec Anya! J’espère que vous allez aimer lire son parcours autant que moi !


Meet Anya: “Je crois qu’aujourd’hui je suis cette guerrière que j’ai imaginée.

Juin 2020, le soleil traverse les stores de ma chambre. Allongée sur mon lit, exténuée par une énième nuit blanche, je griffonne dans mon journal les mains tremblantes : « J’ai envie de me défouler sur quelqu’un. L’abattre de coups pour extirper ma colère. Ma tête bouillonne, je suis prête à exploser. Pourquoi dois-je vivre cela ? Qu’est-ce que j’ai à prouver ? Comment je suis censée accepter quelque chose qui est en train de me rendre complètement folle ? J’en peux plus, je ne vais pas y arriver ».


LA CHUTE

Un après-midi d’août 2018, je monte dans l’avion en direction du Bangladesh. Je rejoins Ukhia, proche du camp des Rohingyas, pour six mois sur un projet humanitaire avec Médecins Sans Frontières. Cette nouvelle mission me permet d’échapper à un quotidien abimé. Depuis plusieurs mois, un drame familial entache ma vie et me laisse un goût amer auquel je ne désire pas me confronter. Je ne veux pas en parler et enterrer cela au fond de mes tripes. Personne ne doit pouvoir accéder à mon âme salie par les actes de quelqu’un d’autre, qui a laissé mon cœur affecté, meurtri par le mensonge. Je m’enferme alors dans les tâches qui me sont affectées et fais tout pour ne pas penser, mais mon corps s’épuise. Un matin, j’aperçois dans le miroir une plaque d’eczéma sur mon cou. Je me sens gênée, je ne veux surtout pas me laisser distraire par ces démangeaisons. Mon collègue médecin me tend un tube de cortisone : « Applique ça et dans quelques jours tu es débarrassée ». En effet, la plaque finit par disparaitre et je laisse le tube de cortisone sur ma table de nuit.

Quelques semaines plus tard, ma peau me fait à nouveau défaut. J’applique la crème et n’y prête pas attention. Les mois à venir, mon état s’empire. Les plaques apparaissent un peu partout sur mon corps. Je suppose que c’est lié à l’intensité de ma mission, le climat tropical ou encore le manque de variété dans mon alimentation. Je vois que mon état s’aggrave mais je n’y accorde pas d’importance. Le temps passe et je finis par rentrer en France extenuée. Entre février et mars 2019 je m’accorde enfin du repos. J’aménage dans un nouvel appartement, retrouve mes meilleurs amis et adopte un chien. Je sens que mon histoire familiale refait surface et me pèse, je décide donc de m’y confronter en débutant une thérapie par hypnose. Forcée d’admettre que je vais mal physiquement et mentalement, je mets mon travail en humanitaire de côté et accepte un poste en laboratoire. Durant cette période, les plaques d’eczéma s’atténuent un temps puis finissent par réapparaitre. Ce sont les montagnes russes à tous les niveaux. Je me rends chez mon médecin généraliste qui face à mon état m’envoie chez le dermatologue le plus reconnu de la ville. Mon corps devient un objet que l’on observe en tirant des conclusions hâtives : « Vous devez mal appliquer la cortisone Mademoiselle », « Vous êtes stressée Mademoiselle, vous avez pensé à méditer ? », « Mettez-en autant que nécessaire, même sur le visage, il faut arrêter d’être sceptique ». A chaque visite médicale, je suis plantée devant eux, le corps dénudé, le regard dans le vide, leurs commentaires faisant office de bruit de fond. Je reste silencieuse. Peut-être qu’ils ont raison au fond. C’est ma faute. J’essaye pourtant, je veux aller mieux. Mais je sens comme un poison couleur dans mes veines et infiltrer tout mon être.

Un an plus tard, en mars 2020, le confinement est annoncé. Mon état continue d’être instable malgré les multiples visites à l’hôpital. Je me convaincs qu’avec le repos, ma thérapie qui touche à son terme et le fait d’avoir quitté mon poste en laboratoire, je vais aller mieux. Pourtant, après quatre semaines de confinement, je me réveille pour la première fois avec le corps qui me fait terriblement souffrir. Je peine à marcher. Cette fois-ci, les plaques sont plus épaisses et n’épargnent aucune partie de mon corps. Mon médecin me prescrit un peu plus de cortisone. Ma mère vient me chercher et je termine le confinement à la campagne. Je vide mes tubes de cortisone et retrouve une apparence normale. Je profite de l’arrivée du printemps ne sachant pas que je vis mes derniers mois de repris.


Le combat

Ce matin de juin 2020, alors que je débute un nouveau travail dans un établissement scolaire, je n’ai pas dormi de la nuit. Je suis sur mon lit, transperçant les pages de mon journal tant la colère est présente. Mes plaques sont revenues. Cette fois-ci j’ai des parties du corps à vif et qui suintent. Je sens la folie s’emparer de moi. Je me demande à quoi dois-je cette punition que l’on m’inflige. Je suis démunie et les médecins ne sont d’aucune aide. On commence à me parler d’immunosuppresseurs ou de traitements en stade de recherche. Je dois choisir entre des effets secondaires sur le foie ou sur les reins. Une belle peau contre un organe. Ma mère se met à me répéter que c’est la cortisone qui me rend malade « Si tu veux guérir il faut que tu arrêtes ». Je finis par l’écouter et débute sans le savoir mon sevrage le 08 juillet 2020.

Un matin de septembre 2020, alors que mes parents me rendent visite, je peine à me lever. Une odeur métallisée envahit l’espace. Étendue sur mon lit, le contact des draps sur ma peau suintante me dérange. Je me tords de douleur et gémit en sanglotant. Mon corps est œdématié, ma peau craque, suinte, je suis à vif. Tout est inconfortable. J’hurle dans mon tourment. Mon père me dit qu’il faut peut-être que j’accepte les immunosuppresseurs : « Juste quelques mois, le temps que tu reprennes un peu de forces ». Je hoche la tête. Ma mère s’effondre, désespérée à l’idée de me voir débuter un traitement qui risque de m’affaiblir d’une autre manière. Mais elle se rend à la pharmacie pour moi et m’informe que je pourrais y récupérer mon traitement dans deux jours. Je profite de ce temps pour rechercher des témoignages de personnes ayant pris ce médicament. De fil en aiguilles, je tombe sur des pages entières d’individus dans la même souffrance que moi. Un diagnostic apparait « Topical Steroid Withdrawal » ou RSS pour Red Skin Syndrome. Je comprends que mon poison c’est la cortisone et mon seul remède le temps.

Mes journées se divisent entre les moments où je travaille et mets mes souffrances de côté, et le soir où je fais face à ma douleur et mon désespoir. J’essaye de survivre. Mon énergie principale je la consacre aux élèves à mon travail. Le reste du temps je m’apparente à un zombie ; la douleur modifie ma façon de me mouvoir, je dors deux à trois heures par nuit, je manque de m’évanouir quand je marche, je perds dix kilos en quelques mois, mes cheveux tombent par poignées ce qui me pousse à les couper très court. Je ne reconnais plus mon reflet dans le miroir. D’ailleurs, je finis par arrêter de me regarder. Mon corps je n’ai plus besoin de le voir, le sens à chaque mouvement de paupière, à chaque fois que je tourne la tête ou que je plie mes bras. J’aimerai oublier qu’il existe ce corps. Je ne suis plus moi-même que ce soit physiquement ou mentalement.

Un soir, alors que je sors mon chien, un sentiment d’insécurité m’envahit. Subitement, mon cœur palpite, mon corps se met à trembler, ma tête tourne et la foule m’oppresse. Je me sens en insécurité. Je me mets à courir jusqu’à chez moi, claque la porte de mon appartement et m’effondre. Je frappe contre le mur, pleure, hurle. J’ai plus la force, je veux mourir. Je n’en veux pas de cette vie de survie. Je ne vois plus mes amis, je n’ai plus d’activités, je ne veux pas qu’on me regarde ou qu’on me touche. Je ne peux plus le faire. Je me sens seule et désespérée. J’ai mal. J’ai tellement mal. Je rêve de m’endormir et de ne plus jamais me réveiller.

Dans ce désespoir ma tête se raccroche aux petites choses. Les élèves font mon bonheur. J’écoute leurs histoires et les accompagne dans leurs questions existentielles. Ils m’aident à oublier la douleur et semblent accorder aucune importance à mon apparence dégradée. Je mets en place des ateliers de gestion des émotions, des cours d’éducation sexuelle, des groupes de paroles pour l’acceptation de soi. Pour la première fois je constate que mon apparence n’a aucune influence sur l’amour et le respect que l’on peut me porter. Je reçois beaucoup de reconnaissance et réussis à transmettre des choses malgré l’épreuve personnelle que je traverse.

Cependant, en janvier 2021 mon corps me lâche. Du jour au lendemain, mon visage est touché par une infection et je ne peux plus ouvrir les yeux, à peine la bouche, et je deviens victime de la fièvre qui me cloue au lit. Je suis arrêtée pendant un mois et demi et ma mère vient me chercher en urgence. Un vide s’installe dans mon esprit. Je ne vois plus d’avenir, je suis reconnaissante du passé et je pleure mon présent.

L’acceptation

Après cet épisode, je reprends mon travail et m’accroche. Les mois qui suivent, je prends un jour après l’autre. Une sorte de routine s’installe autour de ma maladie et me permet de tenir. L’été 2021, mon contrat touche à sa fin et je décide de me concentrer sur ma guérison. Je quitte mon appartement et retourne chez mes parents. Je me consacre à ma spiritualité et mon état d’esprit évolue. Je suis reconnaissante de tout ce que j’ai accompli avant la maladie et commence à réfléchir à comment me reconstruire. J’accepte de tourner la page de l’humanitaire et réfléchit à une autre voie. Je me surprends à rêver d’un joli appartement en Suisse auprès des montagnes. Petit à petit, je sens que dans ma tête quelque chose change ; je comprends que les problèmes que je me créais avant n’étaient rien en comparaison de la souffrance que je venais d’expérimenter. Dans mon cœur, la colère laisse place au pardon. Je sens un espace qui se crée, je deviens plus douce, plus empathique. Des petites choses usuelles pour d’autres deviennent source de bonheur pour moi ; j’apprécie quand j’arrive à marcher plusieurs heures sans sentir à chaque fois que mes genoux se plient, je me réjouis de quelques minutes de sommeil en plus, je jubile de pouvoir prendre une douche sans souffrance. Je commence à voir ma maladie comme une renaissance. Je change littéralement de peau. Mes cheveux se remettent à pousser et je reprends du poids. Je me surprends à m’aimer et à être fière de ce que j’accompli.


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de chenille à papillon

Je me rappelle de moi petite. Avant dix ans, je rêvais de ressembler à Beatrix Kiddo dans Kill Bill. Je voulais être une femme guerrière capable de se battre. Dans les Disney, ce n’était ni Cendrillon, ni Belle, ni Aurore qui retenaient mon attention mais Mulan face aux Huns. Je ne me suis jamais imaginée autrement que combative. Je n’avais juste pas conscience des différentes sortes d’ennemis à qui l’on peut faire face dans la vie. Je crois qu’aujourd’hui je suis cette guerrière que j’ai imaginée. Mon combat c’est celui de la maladie mais aussi celui de rester bienveillante et reconnaissante même dans l’épreuve.

Aujourd’hui je suis à deux ans et demi de sevrage. Je ne suis pas partie en Suisse mais je suis retournée à ma passion première, l’humanitaire, avec Médecins Sans Frontières. Ma peau est imparfaite et mes nuits de sommeil incomplètes. Je suis régulièrement sujette à des crises d’angoisses face à la menace de la rechute ou à l’idée d’être à nouveau privée de ma vie. Je sens que je veux vivre pleinement et il est frustrant pour moi de ralentir pour répondre aux besoins de mon corps. Je veux que tout aille vite par peur de ne plus pouvoir vivre certaines choses demain. Pourtant, je comprends que c’est avec le temps qu’on accède au meilleur. Je cherche encore l’équilibre avec mon corps si fort et si fragile à la fois. La patience et la confiance restent les deux mots que j’apprends à mettre au cœur de mon quotidien. Je n’ai pas de recettes miracle pour ceux qui traversent la même épreuve. Je n’ai pas de réponses face au désarroi. Je sais juste que tout est en constante évolution. L’état dans lequel je suis aujourd’hui n’est pas le même que celui dans lequel je serai demain. Mon combat n’est pas terminé. Mais je suis passée de chenille à papillon et il ne me reste plus qu’à voler au-dessus de toutes mes craintes.

FACT SHEET :

Quel est ton âge ? Où vis-tu ?

Anya 30 ans, vit à Bruxelles depuis 1 an maintenant.

qu’est-ce qui te rend heureuse dans la vie ?

Mon travail qui est ma passion, les gens que jaime, mes hobbies (marche avec mon chien, mon sport) et aussi la nourriture et la musique

quel est ton mantra/dicton favori?

”Les bonnes choses prennent du temps”

quelque chose qui t’a marquée que tu aimerais nous partager (un livre, un événement, un voyage, etc.)

Je dirais que mon parcours avec le rss est ce qui m’a le plus marquee et a ete la source des plus gros changements dans ma vie.

le meilleur conseil qu’on t’a donné ?

Prend un jour apres l’autre.

Un grand merci Anya pour ton investissement et pour avoir pris le temps de nous raconter ton histoire, je sais que ce n’est pas toujours facile. Un témoignage rempli de sincérité !

Si ce témoignage vous a plu, n’hésitez pas à nous le dire en commentaire :)

N’oubliez pas que vous n’êtes pas seuls,

Bisous les Warriors,
Sask